Marcher [dessus le paysage], extrait. Loïc Guénin (percussions et électroacoustique) et Serge Teyssot-Gay (Guitare), 2017.
Marcher [dessus le paysage], CNAR Le Citron Jaune, Juillet 2017

Production : Le Phare à Lucioles / Scène Nationale de Gap (théâtre La Passerelle) / CNAR le Citron Jaune

AVEC :

Dans la création artistique contemporaine, la notion de paysage sonore est fréquemment utilisée. Le paysage dansé ou ‘mouvementé’, en revanche, semble moins usité. Le lien avec le paysage, l’architecture formelle des lieux, l’aller/retour permanent qu’opère l’artiste entre l’art et la vie… tout cela confère à ce projet une construction prenant appui sur le réel. Partant de différents paysages (ruraux, urbains, industriels…), le travail d’écriture graphique se construit à partir des traces formelles apposées sur une grille de lecture.

Loïc Guénin : “Mon travail d’écriture graphique pour la musique m’a conduit à entrer en relation avec le paysage, l’architecture et les espaces. Depuis toujours, la danse, le corps, le mouvement m’offrent un espace de relâchement où je perds pied avec une facilité déconcertante. Avec ce projet d’écriture d’une pièce graphique pour musiciens et danseurs, je ne cherche pas à maitriser enfin cette liberté, à la contraindre, mais plutôt à relier la notion d’interprétation de l’écriture d’un paysage par ces deux médiums artistiques complémentaires. Je ne cherche pas précisément à noter le mouvement mais à donner matière. Par ce travail d’écriture, je souhaite questionner la notion d’interprétation de signes, de formes, d’espaces graphités à des artistes superposant leur lecture d’un paysage. J’imagine un désert, une friche industrielle, un horizon ou une lande, un dédale de forme et de matériaux composites qui seront autant de sources graphiques pour l’écriture de chaque mouvement d’une pièce fragmentée. Des corps qui interprètent une partition commune. Deux modes opératoires, deux expressions d’un même mouvement.

Je cherche à écrire une musique dont le matériau provient directement de l’espace dans laquelle on l’écoute, la joue, la danse.. la vit.”

L’écriture de la danse, la choréographie, existe depuis longtemps et permet de noter le mouvement à travers des notions de temps, d’espace, de poids et de force. Sujet traversé par de nombreuses réflexions, essais et écrits, la tentation de noter le mouvement du corps dans l’espace, son déplacement, les gestes accomplis et enchainés relève d’une poésie éternelle. De tous temps, les maîtres de danse et de ballets ont tenté de décrire les pas et les figures de danse, mais le mouvement, expression du corps humain, reste souvent en dehors du champs de la notation. C’est en 1700 que paraît un ouvrage que l’on peut considérer comme le premier grand manuel de notation de la danse : Chorégraphie, ou l’art de décrire la danse, publié à Paris par le maître de danse Raoul-Auger Feuillet, qui reprend les travaux préalables d’un autre maître de danse, Pierre Beauchamp. La feuille de papier représente la salle où l’on danse vue d’en haut et un « chemin » représente le trajet parcouru par chacun des danseurs ; ce chemin est ponctué de petites barres correspondant aux barres de mesure de la musique. De part et d’autre du chemin, des « figures » de pas et de position désignent les actions du danseur ; sur ces figures sont greffés de petits « signes » représentant des actions de base, telles que plier, glisser, tomber, élever, sauter, cabrioler, tourner, pied en l’air, pied pointé…

Au XXème siècle, plusieurs chorégraphes se sont à leur tour penchés sur cette question de l’écriture de la danse. Les notations de Laban et celle de Benesh sont actuellement les plus utilisées au monde, mais chaque compagnie possède ses propres procédés d’écriture chorégraphique, et depuis quelques années, l’utilisation de la vidéo est le support le plus fréquent. Très souvent, la notation est présente en fin de processus, à des fins d’archivage. MARCHER [dessus le paysage] démarre par l’écriture. Il s’agit d’une pièce en plusieurs mouvements pour musiciens et danseurs, composée par Loïc Guénin.

Le processus d’écriture du compositeur conduit à opérer une mutation entre photographie du paysage, traces formelles apposées sur une grille et partition à interpréter.

Le travail avec les interprètes (musiciens et danseurs) intervient une fois les partitions composées, en relation à chacun des paysages choisis pour la création.

MARCHER [dessus le paysage] est une création en deux volets. Le public est ainsi invité à une création in situ, à un moment particulier (lever de soleil, aube, nuit…) construit exclusivement pour le paysage concerné puis un second rendez-vous, en dispositif scénique (plateau, théâtre…) présente le spectacle composé et construit à partir de tous les lieux traversés par le compositeur pour ce nouvel opus. Le travail de photo/lumière de Vincent Beaume entre alors en jeu, mettant en scène les musiciens et les danseurs.

Ainsi, le projet permet-il une écriture tissant des liens entre les différents paysages traversés (Montagne et verticalité, Mer et horizontalité, le proche et le lointain, confusion, immersion, exclusion, inclusion dans son environnement…), cherchant à faire naître une interrogation sur le regard, l’écoute, le ressenti et la place de chacun dans son écosystème.